Histoire(s) de fous

Le psy, le juge et l’accusé

Posted in Documentaire by Guillaume Henchoz on 23 octobre 2009

Tribunal de Caen, salle correctionnelle, 2001

Tribunal de Caen, salle correctionnelle, 2001

Devant les tribunaux le verdict du psy est souvent décisif. Le documentaire « Le juge, le psy et l’accusé », produit par la télévision suisse romande (TSR) dans le cadre de l’émission Temps présents, revient sur l’importance que peut revêtir l’expertise psychiatrique dans lors de procès inhérents à des faits divers survenus ces dernières années en Suisse romande. La discipline psychiatrique s’est fondée en partie à travers son rôle d’expertise dans les tribunaux. Cette psychiatrisation de la criminalité a déjà été étudiée par de nombreux chercheurs. Marc Renneville dresse un large historique de la question dans un ouvrage intitulé Crimes et folies, deux siècles d’enquêtes médicales et judiciaires (l’ouvrage sera traité dans un billet à venir).

La psychiatrie, médecine de l’âme est ainsi convoquée depuis ses débuts pour éclairer les comportements des criminels, forcément déviant, anormaux. On lui demande d’évaluer la crédibilité des victimes mais surtout l’irresponsabilité des accusés. La psychiatrie est également chargée de se prononcer sur la dangerosité de certains criminels à la veille de leur relaxe ou libération. Bref: elle s’applique à porter un regard médical sur le crime. Toutefois, selon Foucault, on peut très bien retourner le problème :

A partir des années 1820-1825, on trouve dans les tribunaux un très curieux processus part lequel les médecins donnaient leur opinion  à propos d’un crime et essayaient en quelque sorte de revendiquer pour la maladie le crime lui-même. Devant tout crime, les psychiatres posaient la questions : mais est-ce que ce ne serait pas un signe de maladie ? (…) On s’est demandé pourquoi cet intérêt des psychiatres pour le crime, pourquoi revendiquer ainsi si fort, et si violemment l’appartenance éventuelle du crime à la maladie mentale. Il y a, à coup sûr, un certain nombre de raisons, mais je pense que l’une de ces raisons est celle-ci: c’est qu’il s’agit, non pas tellement de démontrer que tout criminel est un fou possible, mais de démontrer, -ce qui était beaucoup plus grave, mais beaucoup plus important pour le pouvoir psychiatrique-, que tout fou est un criminel possible. (Michel Foucault, Le pouvoir psychiatrique, Cours au Collège de France. 1973-1974, Gallimard, pp. 249-250)

A la pathologisation du crime, Foucault répond par la criminalisation de la folie. Cette perspective date peut-être un peu et s’inscrit surtout dans le contexte des années 1960 et 1970, à l’époque de la grande vague de l’anti-psychiatrie. Je ne peux toutefois pas m’empêcher de repenser aux propos du philosophe en visionnant le documentaire de la TSR.

Une Réponse

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  1. Twitted by Chacaille said, on 23 octobre 2009 at 6:01

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